Lotissement du Vogelsang

 
8606 Nänikon,
Suisse

Publié le 25 janvier 2023
Atelier SCHMIDT GmbH
Participation au Swiss Arc Award 2023

68 modules ont été préfabriqués par Zaugg  en Haute-Argovie bernoise. La paille n’a  pas été la seule à y être insérée dans. Le crépi intérieur et extérieur a également été appliqué  et les installations sanitaires et électriques ont été mises en place. Dans les cages d’escaliers,  des ouvertures rendent la paille visible dans les murs. Les murs de paille, qui peuvent atteindre 90 centimètres d’épaisseur, ont  été protégés à l’extérieur par un enduit à la chaux contre la pénétration  de l’humidité, tout en étant rendus plus résistants au feu. Une fois enduits,  ils répondent à la classe Le lotissement de maisons en bottes  de paille se compose  de trois volumes de quatre étages chacun, avec un sous-sol. L’élément de liaison  est un deck en bois  au deuxième étage.

Données du projet

Données de base

Situation de l'objet
Jean-Hotz-Strasse 4 – 8, 8606 Nänikon, Suisse
Catégorie de projet
Achèvement
09.2020

Données du bâtiment selon SIA 416

Étages
de 3 à 5 étages
Nombre de sous-sols
1 étage
Nombre d'appartements
28
Surface de terrain
4230 m²
Surface utile
3740 m²
Volume bâti
16'060 m³
Coûts de construction (BKP 2)
15,8 mio. CHF

Description

Le lowtech est-il le nouvel hightech? L’architecture en bois peut être un moyen de réduire l’impact climatique du secteur de la construction. Mais l’ampleur de la réduction des émissions de dioxyde de carbone par rapport aux nouvelles constructions en pierre dépend également du choix du matériau d’isolation. Établi dans les Grisons, l’Atelier Schmidt est un des premiers bureaux en Suisse à miser sur les bottes de paille. Le lotissement «im Vogelsang» sur l’ancien site de Bombasai à Nänikon montre de façon convaincante que cette approche est une promesse d’avenir.

Les architectes de l’Atelier Schmidt comptent parmi les pionniers de la construction avec des bottes de paille. Le bureau a réalisé plus de 60 maisons en bottes de paille, en Suisse et dans des pays voisins. Avec le projet de Nänikon, il livre le premier lotissement de Suisse en modules de bois préfabriqués et remplis de paille compressée.
La première maison avec isolation en bottes de paille porteuses conçue par l’Atelier Schmidt remonte au début des années 2000, à Disentis. Les maîtres d’ouvrage ne se laissaient que difficilement convaincre au début, si bien que l’atelier a pris l’habitude d’élaborer une variante de projet plus conventionnelle, aujourd’hui encore. Bien que la construction avec des bottes de paille présente un bon écobilan, dispose d’excellentes propriétés d’isolation thermique, soit bon marché et mette en œuvre un matériau de construction reconnu, elle reste une niche du secteur économique. Les premiers lotissements datent pourtant de la fin du 19ème siècle aux États-Unis. Au Nebraska, région peu boisée et pauvre en bois de construction, les colons utilisaient les bottes de paille comme des briques pour construire des murs enduits ensuite d’argile ou de chaux. Si les bottes de paille, à l’origine, étaient utilisées comme matériau de construction pour répondre à une situation d’urgence, ce sont aujourd’hui leurs propriétés physiques et leurs avantages écologiques qui sont mis en avant.

Authentiquement rural
À Nänikon, le site baptisé Bombasei a été exploité à des fins industrielles pendant plus d’un siècle. Aujourd’hui, l’ancienne manufacture de confiserie est à l’abandon. Les projets de développement de site, que ce soit par réaffectation ou de remplacement, n’ont pas manqué, sans jamais aboutir. La plupart se heurtait à un veto du service des constructions qui y mettait fin dès l’engagement de la procédure d’’autorisation. En 2017, le bureau d’architecture Atelier Schmidt convainc finalement le propriétaire du site et le service de construction avec un projet écologique et durable pour la construction d’un nouvel ensemble de logements en bottes de paille. C’était manifestement la bonne formule, car malgré le fait que Nänikon soit depuis longtemps devenu un quartier d’Uster avec ses 2600 habitant·e·s, la commune reste aujourd’hui encore perçue par ses habitant·e·s comme une localité campagnarde aux qualités de vie rurale, idylliquement située au milieu des champs et à proximité du Greifensee. «Parvenir à conjuguer un habitat dense à la préservation des qualités rurales était un vrai défi», se remémore Werner Schmidt, architecte et fondateur de l’atelier. Seul un ensemble marqué par un «caractère de village dans le village» permettait de conserver la qualité du site, ce que les architectes ont réalisé grâce à un concept bien pensé, établissant un dialogue entre référence historique et habitat contemporain.

Approche globale
L’approche globale de la construction prônée par l’Atelier Schmidt est à la base de tous ses concepts. Le bureau d’architecture cherche dans chaque projet à minimiser la consommation d’énergie grise tout en équipant techniquement les bâtiments de manière à ce qu’ils produisent eux-mêmes le plus d’énergie possible et en consomment le moins possible. (Par énergie grise, on entend l’énergie nécessaire à un produit depuis sa fabrication jusqu’à son élimination en passant par sa mise en œuvre, son utilisation et son transport.) L’idée fédératrice poursuivie par les architectes est de réaliser un bâtiment qui soit aussi autosuffisant que possible. C’est somme toute assez logiquement que Werner Schmidt s’est intéressé à la paille, un matériau résidu issu de la culture des céréales, et qui plus est respirant. La paille est en outre un matériau d’isolation idéal en raison de sa faible conductivité thermique. Avec 0,045 à 0,06 W/mK, la valeur lambda de la paille n’est que légèrement supérieure à celle de la laine de roche – un matériau beaucoup plus cher – qui est de 0,040 W/mK. Werner Schmidt explique par ailleurs dans un entretien que, contrairement à d’autres matériaux de construction, la paille n’a jusqu’à présent engendré aucun lobby, ce malgré d’indéniables avantages écologiques et énergétiques. Outre les principes écologiques et de physique du bâtiment, le bien-être et la santé des habitants jouent également un rôle décisif dans la vision conceptuelle de l’Atelier Schmidt, tout comme l’emploi de matériaux régionaux.
En conséquence, la réalisation d’un lotissement durable devait empêcher le plus possible la perte de chaleur par l’enveloppe du bâtiment, tout en ne réclamant qu’un minimum d’énergie pour son chauffage. Dans ce contexte, la prise en compte de l’ensemble du cycle de vie du bâtiment est déterminante: l’énergie consommée lors de la fabrication des produits de construction et par le bâtiment en cours d’exploitation, ainsi que la prévention des déchets spéciaux lors du démantèlement du lotissement. À cela s’ajoutait pour les architectes la nécessité de proposer un bien-être accru et un climat intérieur sain en choisissant des matériaux de construction naturels et durables tels que l’argile, la paille, le bois et la chaux.

Robuste
L’Atelier Schmidt avait déjà réalisé aupa­ravant des maisons individuelles et immeubles collectifs en bottes de paille porteuses qui, compressées, assurent la fonction d’isolation thermique et jouent un rôle statique. La composition du mur est analogue à celle d’un mur de maçonnerie monolithique, les bottes de paille compressées remplaçant les briques. Avec son approche pratique, le bureau a cependant développé d’autres formes innovantes de construction en paille, comme des maisons avec des éléments en bois et des maisons en éléments de paille, adaptées individuellement à chaque projet de construction.
La vision initiale du projet prévoyait pour le lotissement en question une construc­-
tion porteuse en bottes de paille. Il y a cependant davantage de preuves à fournir en matière de droit de la construction lorsqu’il s’agit de logements collectifs. Une structure porteuse en modules de bois préfabriqués – remplis de paille en guise d’isolation – a finalement été choisie, accélérant ainsi les procédures. Afin de les protéger contre l’infiltration d’humidité et d’atteindre la classe de résistance au feu R60, les façades ont été recouvertes d’un enduit à la chaux multicouche. À l’intérieur, on a renoncé au talochage afin de conserver le toucher naturel d’une surface enduite à la main, et les revêtements ont été partiellement conçus en bois de mélèze pour des raisons de protection contre les incendies – tout comme le parking souterrain et les deux cages d’escalier réalisés en béton apparent et qui contrastent avec les autres matériaux naturels et chauds. Installés sur la toiture en sheds préfabriquée avec des éléments en bois et en paille, des modules photovoltaïques répondent au souci de durabilité. Ceux-ci occupent d’ailleurs une surface maximale grâce à l’inclinaison à 45 degrés des pans de toiture: pas moins de 40 pour cent de la consommation d’énergie propre du bâtiment est ainsi couverte par une production d’électricité respectueuse du climat.

Médiation
Le lotissement est un ensemble composé de trois bâtiments de quatre étages et d’un sous-sol qui consomment toute la surface constructible à disposition. 28 appartements de différentes tailles sont assemblés autour d’une cour centrale en T. Alors que le corps de bâtiment orienté à l’ouest regoupe six maisons mitoyennes agrémentées de petits jardins individuels, les deux autres volumes sont composés de duplex ainsi que de différents types d’appartements à un niveau. Les balcons en épicéa qui complètent chaque logement sont autoportants. Une passerelle déployée au deuxième étage relie les trois volumes et alloue à la cour un caractère protecteur, à la faveur de la forêt de poteaux en bois sur laquelle elle repose. Vestige de l’époque industrielle du site, un tronc de tilleul situé dans un intervalle entre les poteaux de la passerelle accompagne la nouvelle vie du lieu. Un détail parmi d’autres, nombreux, qui témoignent d’une époque et s’intègrent délicatement à la nouvelle identité du site en transmettant chaleur et sécurité. Cette sensation est d’ailleurs renforcée par une matérialité discrète. La structure modulaire du projet a favorisé un processus de construction hautement efficace, permettant non seulement d’économiser du temps et de l’argent, mais aussi de réduire un peu plus les émissions. 16 mois se sont écoulés entre la destruction de la fabrique et la livraison du projet. Un temps record rendu possible par la préfabrication des 68 modules que comptent le lotissement, tous hauts d’un étage, dans un atelier en période hivernale. La construction a commencé
au printemps, une fois les fondations réalisées. En façade, des panneaux de mélèze horizontaux et verticaux marquent les
transitions entre les différents modules et donnent en même temps du relief à la
façade.

Durabilité culturelle
L’atelier Schmidt a eu l’ambition de créer un quartier dans lequel la durabilité jouerait un rôle important tant du point de vue écologique que du point de vue culturel: un lieu du quotidien où cohabitent toutes les générations. La variété de l’offre d’appartements répond à cette volonté et aux besoins de couples sans enfants, de personnes âgées, de célibataires et de familles. Ces différents groupes trouvent à l’extérieur des lieux de rencontres aménagés pour favoriser l’interaction entre voisins et donner vie au lotissement – de la cour intérieure comme point de rencontre central à un coin grillades, en passant par des bancs en troncs d’arbres répartis sur le site, sans oublier les espaces végétalisés favorisant la biodiversité.

Anticiper l'avenir
Si l’on compare la nouvelle construction avec d’autres réalisations faites de matériaux plus conventionnels, elle excelle avec un faible besoin énergétique primaire et apporte ainsi son écot à la réduction globale des gaz à effet de serre. Grâce à un concept architectural cohérent dans lequel nature, architecture, urbanisme et paysage sont articulés de manière évidente, le caractère indéniablement urbain du nouvel ensemble ne l’empêche pas d’être à sa place dans un contexte rural et idyllique.
La recherche conséquente d’un concept global de durabilité montre une manière de réduire l’empreinte écologique dans la construction. Le résultat est un projet de logement précurseur pour l’homme et l’environnement, qui explore les possibilités d’une utilisation responsable des ressources.
Le succès des travaux de l’Atelier Schmidt avec la paille a attiré l’attention d’autres bureaux d’architecture, à l’image du rôle de conseiller joué pour le projet Hortus à Allschwil d’Herzog & de Meuron – un immeuble de bureaux pour lequel l’énergie de construction est récupérée en l’espace d’environ 30 ans. Nänikon et Allschwil pourraient devenir des projets phares en matière de construction durable et efficace sur le plan énergétique et, espérons-le, encourager l’industrie du bâtiment, les maîtres d’ouvrage et les architectes à adopter un mode de construction plus respectueux de l’environnement.

Texte: Nina Farhumand

Première publication: Arc Mag 1.2023
Commandez votre exemplaire sous: batidoc.ch/services/commander-le-magazine

188127875